Puisqu'elles sont si fragilement éphémères, les auteurs d'interventions urbaines comptent bien souvent sur les traces que celles-ci peuvent laisser, au-delà de l'acte et du moment vécu (dont certains penseront, légitimement, qu'ils se suffisent).
Il est tout-de-même fascinant de voir ses œuvres se diffuser discrètement mais viralement, en les retrouvant par exemple sur la couverture d'un journal, ou en les voyant apparaître ci et là sur des photos se trouvant sur internet. Voire en écoutant les commentaires (confus) du présentateur télé qui couvrait la Zinneke Parade en direct :
"Il y a quelques ouvriers qui sont en train d'essayer d'annuler la Zinneke, d'annuler l'émission... donc je pense qu'ils essayent de mettre le désordre. Je ne sais pas si on les a vu sur antenne, en tout cas je les ai bien entendu parce qu'ils sont venus tout près pour nous dire que tout était annulé, et qu'on devait s'arrêter de parler peut-être, et un peu regarder les images."
Quelques photos glanées sur internet :
"Quand, brusquement, il se passe quelque chose qui bouleverse ou ridiculise les règles prescrites, la distanciation qui en résulte peut agir comme une proposition : elle rend possible l'impossible et démontre que la soumission à la normalité relève d'un choix et non d'une nécessité naturelle. Ce qui paraissait évident ne l'est plus, ce qui était occulté resurgit à la conscience. Il arrive en effet que l'étrangeté stimule l'individu en un point qu'il a refoulé ou délibérément enfoui. Dans ces moments-là, elle cesse d'être uniquement un jeu ou une perturbation pour agir comme une (petite) flèche indiquant la direction d'une utopie ou d'une pratique de transformation sociale. Savoir comment le public réagira est une autre affaire. Nul ne peut prédire si le sabotage des convenances suscitera l'indignation ou la gourmandise."
Autonome a.f.r.i.k.a.-gruppe / Luther Blissett / Sonja Brünzels, Manuel de communication-guérilla, 1997.